Réflexions hétéroclites sur notre société, bienheureusement désorganisée (mais pas trop) pour notre plus grande joie et notre plus grande liberté.

20 avril 2010

Art et jeu

Roger Ebert relance une vieille polémique fort intéressante : il affirme que le jeu vidéo n'est pas et ne sera jamais "de l'art". C'est évidemment contraire à tout ce que j'ai toujours affirmé, et même plus généralement : que le jeu, sous tous ses aspects, est une forme d'art. Je prétends même que c'est une forme d'art plus intéressante et plus chargée de sens que les formes non-interactives qui n'impliquent pas leurs spectateurs.
Le curieux argument de Ebert - le jeu n'est pas de l'art car on y gagne ou on y perd - se retourne contre lui. Le jeu est au contraire une forme d'art supérieure car on peut aussi interagir, gagner, s'y perdre, rencontrer d'autres joueurs, etc. Marcel Duchamp avait fait un pas intermédiaire en considérant l'art "oculiste", qui survient dans l'oeil du spectateur. Quoique lui-même grand joueur d'Echecs, il ne fait pas ouvertement la liaison entre sa posture de joueur et sa posture d'artiste. Il reste fidèle à sa conception de l'art qui se crée et se réalise dans le regard du public. Il nous laisse la liberté de comprendre qu'il n'avait en fait qu'une seule et même posture : la casquette d'un créateur particulièrement fécondant.
Enfin, ne pas oublier que l'affirmation de Ebert quête la question, pour parler comme les anglo-saxons : avant d'affirmer que ceci ou cela est ou n'est pas de l'art, il faudrait définir ce qu'est l'art. Bon courage ! Personnellement je choisirai une définition extensionnelle à la Alfred Korzybski : on appelle "art" ce qu'un nombre raisonnable de personnes décident d'appeler art. Il revient donc aux joueurs et aux créateurs de jeux de confirmer que le jeu est un art, quitte, à leur tour, à rejeter de l'art des formes qui leurs déplaisent.

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